Frédéric Malle est issu d’une célèbre famille d’industriels, d’artistes et de parfumeurs. Inspiré par la sensibilité artistique de sa famille et désireux de rendre aux parfumeurs la liberté qui leur été niée par les grandes entreprises, Frédéric Malle lance en 2000 sa propre maison de parfums. Il se révèle ainsi pionnier dans la création olfactive : en offrant carte blanche aux plus grands parfumeurs de notre époque, il met en valeur les univers de chacun, en portrait.

Quel est votre motto ?

Être moi-même.

Comment avez-vous acquis des connaissances en parfumerie ?

Je suis né dedans.

A quel moment avez-vous décidé de créer votre marque ? Où et quand cela s’est passé ?

En visitant pour la première fois une grande parfumerie libre-service des Champs-Elysées où j’ai réalisé que la parfumerie telle que je l’aimais – artistique et intime – était peu à peu en train de mourir. L’idée a fait son chemin jusqu’au moment où il n’y avait plus d’autre issue que d’ouvrir les Editions de Parfums.  C’était un antidote contre la banalisation de notre profession.

Quelle serait l’anecdote ou l’inspiration derrière deux de vos seize parfums ?

Portrait of a Lady

Portrait of a lady est un grand classique. À l’origine, il y un parfum pour homme, Géranium pour Monsieur, écrit en pensant à mon père, à cette eau de Botot mentholée et poivrée, posée sur le rebord du lavabo. Une eau de toilette que portent aujourd’hui des amis proches qui ont eu des pères comme le mien. Ces hommes du XXème siècle aux chemises de couleur et aux costumes bien coupés, de grande culture et à l’élégance intemporelle. 

Je voulais retrouver le féminin de Géranium pour Monsieur, la femme aimée par cet homme.  Elle a l’allure de Dovima, la femme aux éléphants photographiée par Richard Avedon, les bras de Loulou de la Falaise, couverts de lourds bracelets dorés. Elle est puissante, généreuse, très séduisante, adorée. Elle emporte le monde avec elle.

Je travaille avec le nez Dominique Ropion, comme un éditeur collabore avec un écrivain.  Au début, il y a une idée, ensuite il faut la pousser le plus loin possible, s’y tenir. Ne surtout pas se faciliter les choses ni aller trop vite. Et puis, on peut changer, se dire « non, ce n’est pas cela ». Travailler six mois et puis se rendre compte qu’on s’est trompé. Mais ces six mois étaient des marches nécessaires pour ouvrir la bonne porte.

Music for a While

Quand je travaille avec les parfumeurs, une inspiration est déjà un parfum en soi. Cette fois, c’était un accord très intéressant de lavande que Carlos m’avait montré des années auparavant. En tant qu’Européen, quand on sent de la lavande on pense aux sachets de lavande, cliché du sud de la France – qui est un délice mais difficile de transposer ailleurs. Par contraste, l’accord que Carlos m’avait montré était aussi incroyablement simple qu’incroyablement audacieux, et renversait les choses. Ces accords sont des accords de lavande, patchouli et vanille. Rapidement l’idée est venue d’y ajouter de l’ambre et c’est devenu une lavande sensuelle.

Quelle est votre musique préférée ? Pourquoi ?

Je n’ai ni de parfum préféré ni de tableau préféré ou bien de musique préférée. Je passe pourtant mon temps à sentir, à regarder, à écouter. La musique peut être autant Bach que Mozart ou Les Rolling Stones.

Pourquoi considérez-vous votre dernière création «Music for a while» baroque ?

Parce que je trouve que les parfums Orientaux sont à ce métier ce que le baroque est à l’architecture.